Plus personne n'y croyait. Et on peut se demander si le prix Nobel n'arrive pas un peu à contretemps. Certes, le rythme du comité Nobel n'est pas celui de l'actualité, et il a voulu récompenser une démarche qui court sur près de trois décennies et a eu un profond impact sur le fonctionnement de la communauté internationale. Mais le prix survient alors que la «mouvance» humanitaire s'interroge sur elle-même et traverse même une véritable crise de conscience.
Un colloque organisé au début de l'année à Paris par le Comité international de la Croix-Rouge portait même comme titre «L'humanitaire en échec?». Un intitulé qui avait inspiré à Jean-Christophe Rufin, un ancien vice-président de MSF, la réflexion suivante: «Il est vrai qu'un malaise traverse le monde humanitaire, une langueur, une tristesse, un étrange sentiment d'échec. ["] L'échec en question est une perception, un état d'âme lié à la transformation des conditions de l'action dans ce domaine et à quelques fâcheuses expériences.»
Huit mois après, les crises du Kosovo, du Timor oriental et de Tchétchénie plus tard, ce malaise ne s'est assurément pas dissipé, et le débat continue de faire rage. Depuis une dizaine d'années, en fait, l'humanitaire est victime" de son succès. A tel point qu'il n'est plus une intervention militaire ou une décision politique qui ne se cachent derrière ce mot sacré d'humanitaire, brouillant la donne aux yeux de tous, y compris des ONG elles-mêmes. François Jean, l'un des responsables de la réflex