Dili envoyée spéciale
Comme les pages d'un sinistre registre, les tombes du cimetière de Santa Cruz, à Dili, déclinent la violence du Timor oriental. «Assassinado», «Assassinado»" C'est en portugais, la langue du premier colonisateur, que s'inscrivent les meurtres commis par les Japonais lors de la Deuxième Guerre mondiale, puis ceux perpétrés par les Indonésiens à partir de 1976.
Au fond du cimetière repose l'étudiant Sebastio Gomes da Costa, tué par balles le 28 octobre 1991. Lors de son enterrement, l'armée indonésienne ouvrit le feu sur la foule: 50 morts et 20 blessés. «Sebastio a une sépulture, un endroit où peuvent venir se recueillir sa famille, ses amis. Mais il y a les autres, ceux dont les corps ont été abandonnés"» De sa fenêtre, Laurinda, institutrice désormais sans école ni élèves, veille sur les tombes.
Corps disparus. Tout contre la grille, dans l'enceinte du port où les soldats de l'Interfet (la force internationale) déchargent les bateaux venus de Darwin, le sol, légèrement affaissé sur une surface de deux mètres sur trois, semble avoir été creusé puis vite refermé. La terre est gluante, recouverte d'un tapis de mouches noires et fleurie d'une poignée de bougainvilliers. L'odeur de décomposition est si forte que personne ne s'attarde. Les barreaux de cette grille furent les poteaux d'exécution de quelques étudiants et professeurs qui revenaient au pays pour participer au référendum du 30 août. A peine descendus des bateaux, ils auraient été abattus par des mi