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Libération
Portrait

Un musulman, bête noire des intégristes. Avec une approche laïque de l'islam, «Gus Dur» est un fervent démocrate.

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publié le 21 octobre 1999 à 1h17

Abdurrachman Wahid, premier président indonésien élu

démocratiquement, est de prime abord un homme déconcertant. Tout autant par son physique ­ petit, bedonnant, presque aveugle et, à 59 ans, se déplaçant avec beaucoup de difficultés ­ que par la fonction qu'il occupait depuis 1984 à la présidence de la plus grande association musulmane du pays (et du monde), la Nahdlatul Ulama (35 millions d'adhérents). Mais en Indonésie, les apparences sont souvent trompeuses. Très respecté par les Indonésiens qui le surnomment «Gus Dur», Wahid est à la fois l'un des esprits les plus lucides du pays, l'un des pires adversaires de l'islamisme et l'un des promoteurs les plus passionnés de la démocratisation. Prémonitoire. Dès le début des années 90, alors que le général-président Suharto venait d'accorder une petite once de liberté à la presse, il entrevoyait déjà l'inéluctable: «Une fois que vous ouvrez la porte, vous ne pouvez pas la fermer complètement ("). Même infimes, les sédiments de l'esprit démocratique passeront à travers le filtre et s'accumuleront.» En janvier 1998, alors que le pays se débattait dans la crise économique, cinq mois avant le renversement de Suharto par la rue, Wahid nous confiait diagnostiquer une situation «qui risque de déboucher sur des manifestions spontanées et massives» et décelait déjà la volonté d'intervention des militaires: «Il sera toujours facile aux agents du gouvernement de manipuler les foules pour qu'elles pillent des magasins de la minorité chin