Sans une réforme de fond, l'Union européenne court à l'«anarchie
organisée»: c'est la sonnette d'alarme que tirent une trentaine de hauts fonctionnaires et universitaires chargés, fin 1998, par le gouvernement français de réfléchir à la réforme des institutions européennes. Présenté hier au Commissariat général du Plan, le rapport Quermonne du nom de l'éminent politologue qui a présidé ces travaux est une mise en garde décapante contre les risques de «dislocation» de l'Europe face au choc de l'élargissement. Assez décapante d'ail-leurs pour permettre de penser que ce rapport, officiel mais indépendant, est promis à un rapide enterrement. Car en prônant des innovations aussi radicales que l'élection d'un président permanent du Conseil européen par les chefs d'Etat et de gouvernement ou l'adoption d'une Constitution européenne, ces experts vont totalement à rebours de la position de profil bas désormais en vigueur à Paris. La France, en tant que présidente de l'Union européenne au second semestre 2000, aura en effet la lourde tâche de mener à bon port la conférence intergouvernementale (CIG) qui s'attellera, à partir de la fin mars, à la réforme du traité d'Amsterdam. Comme Pierre Moscovici, le ministre chargé des Affaires européennes, l'expliquait la semaine dernière à l'Assemblée nationale: «Nous savons qu'à trop vouloir charger la barque on risque de la faire échouer.» «Réalisme» est donc le nouveau leitmotiv français. Alors que la Commission européenne et certains pays