Moscou, de notre correspondant.
Sa voix est doucement tragique, nullement plaintive. Ses traits tirés de dignité forment un rempart qui ne cède ni aux larmes, ni même à un débridement pathétique que pourraient aisément provoquer les propos qu'elle tient. Zouleikhan Bagalova est une actrice tchétchène. Une grande comédienne, décorée des titres d'artiste du peuple tchétchène et d'artiste honorée de Russie. Mais elle ne joue plus. Elle est venue de Grozny jusqu'à Moscou. Pour dire. Non des vers, mais des faits. Parler des réfugiés d'Ingouchie, des familles séparées, de la peur d'un nouveau siège. Parler d'elle aussi. Dire qu'on la contrôle systématiquement à chaque fois qu'elle vient dans la capitale russe, et cela depuis longtemps. Récemment, on l'a expulsée sans raison de son hôtel dans le quartier moscovite d'Ismaïlovo cher aux étrangers pour son marché aux puces , «partez, on ne veut plus vous voir». Elle dit: «Le terrorisme est notre malheur commun, à nous, Russes et Tchétchènes. Et nous devons lutter ensemble. Car la Russie a laissé se développer le terrorisme sur son territoire.»
Elle parle de ses deux filles qui ont déjà vécu trois ans de guerre (celle de 1994-96) dans une cave mais, cette fois, elle a eu la possibilité de les sortir de Grozny et s'en est excusée auprès de ses voisins «russes, arméniens et tchétchènes dont les enfants n'ont pas eu la même chance». Elle, elle est restée. «Certains restent pour garder leurs biens, mais on ne peut pas appeler "biens ce qu