Greensboro, envoyé spécial.
C'est une banlieue noire comme on en trouve beaucoup dans le sud des Etats-Unis. Un coin de misère où les logements sociaux s'alignent à l'infini, petites maisons de briques rouges souvent inhabitées, aux fenêtre closes par des morceaux de bois. Au bout de Carver et d'Everitt Street, il n'y a pas de monument ou de pierre commémorative, juste un centre commercial, devenu le repaire des prostituées et des dealers de tout acabit. «Ici, il n'y a plus d'espoir depuis longtemps», lâche Raymond, grand gaillard qui vend «tout ce qui traîne», du crack à la cocaïne. «Bien sûr que je sais ce qui est arrivé il y a vingt ans. J'étais en train de jouer au basket quand les coups de feu ont retenti. Ma mère m'a hurlé de rentrer à la maison. Après cela, on a longtemps pensé que les Blancs nous traiteraient un peu mieux. Mais, il n'en est rien. Aujourd'hui, c'est encore pire.»
Le 3 novembre 1979, ici, dans cet enchevêtrement de maisons baptisé Morningside Homes, la ville de Greensboro, en Caroline du Nord, a pris rendez-vous avec l'horreur. A 11 h 23, une colonne de voitures remplies de membres du Ku Klux Klan et de représentants de partis nazis a attaqué une manifestation antiraciste organisée par des activistes et syndicalistes du CWP, le Parti des travailleurs communistes. Enregistrées par quatre caméras de télévision, les images montrent des hommes sortant des fusils à pompe du coffre d'un véhicule et s'approchant des militants pour les abattre à bout portant.