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Enquête

GRAND ANGLE. Les Etats-Unis relancent la course aux antimissiles. Le déséquilibre de la terreur. En réussissant l'exploit de détruire un missile en plein vol grâce à une nouvelle arme, les Etats-Unis perturbent l'ordre stratégique mondial. La fin de l'équilibre de la terreur? Enquête.

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publié le 24 novembre 1999 à 1h27

Kwalajein est un atoll perdu en Micronésie. Au sud-est de l'île,

l'armée américaine a installé une base de lancement de missiles et une importante station radar. Le samedi 2 octobre 1999, à 7 h 22, une fusée décolle. Sous sa coiffe, les techniciens ont placé un petit engin expérimental, long d'à peine 1,30 mètre: l'EKV (Extraatmospheric Kill Vehicle). Dix minutes plus tard, à 225 kilomètres au-dessus de l'océan Pacifique, l'EKV vient percuter l'ogive d'un missile Minutemen lancé trente minutes plus tôt de Californie. Au moment du choc, les deux engins se rapprochaient à une vitesse de sept kilomètres par seconde. Techniquement, c'est un exploit. Cris de joie dans les centres de contrôle, mais consternation dans les milieux diplomatiques. Car en testant avec succès une arme antimissile, les Etats-Unis prennent le risque de bouleverser les équilibres stratégiques mondiaux et de relancer la course aux armements.

«If you nuke us, we will nuke you»

Depuis vingt-sept ans, les Etats-Unis et l'URSS (puis la Russie) ont en effet décidé de ne pas se doter d'armes capables d'arrêter les missiles stratégiques. C'est le traité ABM (Anti Ballistic Missile), signé à Moscou en mai 1972. En renonçant volontairement aux boucliers, les deux Grands s'entendaient pour faire reposer la sécurité collective sur la simple menace de leurs épées. L'équilibre de la terreur assurait la paix: «If you nuke us, we will nuke you» («Si tu nous nucléarises, nous te nucléarisons»). En 1983, Reagan donne un énorm