Istanbul, envoyé spécial.
Il n'y a aucune pancarte au bas du petit immeuble lépreux, et, au cinquième étage, une discrète plaque mentionne simplement «Centre de recherche mésopotamien». Installé par ironie du sort sur le boulevard Atatürk, l'Institut kurde d'Istanbul n'a toujours pas pignon sur rue, mais devient de plus en plus actif, publiant désormais sous son nom livres et revues en kurde, bien qu'il lui soit toujours interdit d'afficher sa raison sociale.
«Tueurs non identifiés». «Depuis quelques mois, nous sommes beaucoup plus tranquilles. Le mouvement kurde a laissé les armes pour se lancer dans la lutte démocratique, et la Turquie essaie de se rendre acceptable aux yeux des Européens», explique avec un sourire Husein Sagnic, longtemps menuisier, grammairien autodidacte et auteur d'une demi-douzaine d'ouvrages sur la langue kurde. Engagé depuis un demi-siècle dans le combat pour sa culture interdite ou étouffée par une République turque inspirée du modèle jacobin, il avait été l'un des créateurs de cet institut, en 1992, avec le vieil écrivain kurde Musa Anter, assassiné trois ans plus tard par des «escadrons de la mort». Une dizaine de milliers d'intellectuels, d'avocats, de médecins et autres représentants de l'élite kurde ont été abattus par des «tueurs non identifiés», s'ajoutant aux 35 000 morts officiellement reconnus de la «sale guerre», qui, depuis 1984, a opposé les rebelles du PKK et les forces de l'ordre.
Jamais Husein Sagnic n'a vu autant de gens défiler dans