Menu
Libération

L'«ivoirité», concept à double tranchant. Il permet de se débarrasser des opposants politiques et des immigrés.

Article réservé aux abonnés
publié le 2 décembre 1999 à 2h11

Abidjan, envoyé spécial.

La Côte-d'Ivoire est malade de son «ivoirité». Ce vocable politique, arme de combat identitaire, est devenu le joker de tous les envieux, des hommes politiques voulant écarter leurs rivaux, des «Ivoiriens de souche» convoitant les biens, les postes ou les terres des «étrangers». Il y a quelques jours, autour de la ville de Tabou, dans l'extrême sud-ouest du pays, près de 20 000 Burkinabè ont été chassés de leurs plantations. Il y a déjà des mois qu'à Abidjan, la capitale économique, des lettres de dénonciation circulent dans les grandes entreprises pour exiger le renvoi des «non-Ivoiriens». En guise d'enquête, les journalistes locaux remontent les arbres généalogiques des personnalités publiques pour y dénicher l'immigré, synonyme de disqualification politique. Dans la cité, si le propriétaire n'est pas ivoirien, la grève des loyers passe pour un acte patriotique. «Il» n'a qu'à essayer de faire valoir son droit devant les tribunaux. N'étant pas chez lui, «il» n'a aucune chance d'y parvenir.

Tout a commencé, il y a six ans, par une guerre de succession: à la mort de Félix-Houphouët-Boigny, l'octogénaire «père de la Nation» resté au pouvoir pendant trente-trois ans, le Premier ministre en place, Alassane Ouattara, tarde à s'effacer devant «l'héritier constitutionnel», Henri Konan Bédié, alors président de l'Assemblée nationale. Le premier a pris goût à assurer l'intérim du chef de l'Etat cacochyme. Dans un pays au réflexe légitimiste, le second devient