Elle revient de mission. Là c'était en Géorgie, avant le Soudan, entre temps la Sierra Leone. Depuis vingt ans, elle vit comme ça. La peste des guerres et les épidémies de choléra, et les «french doctors» qui débarquent, avec leurs emplâtres d'humanisme et leurs embrocations à ragaillardir et à sacraliser les victimes. Brigitte Vasset est l'un des piliers de Médecins sans frontières, elle a toute sa part du prix Nobel de la paix décerné à l'ONG née en France. Elle est à Oslo et elle entend bien saboter l'ambiance en cassant les pieds de chacun avec «ce qui se passe en Tchétchénie». Soigner et témoigner, soulager et dénoncer. Voilà sa mission, même si elle ne se sent missionnaire en rien, ayant tassé serré dans sa sacoche de médecin du triste monde trop de doutes néocolonialistes, d'accoutumance au désastre, de professionnalisme de l'urgence pour ne pas dessiner des moustaches aux images pieuses des Jocondes de l'humanitaire.
Peu de vocation, pas de prédestination. Le père est ingénieur en Bretagne, elle sera médecin. La famille n'a pas la fibre politique, n'affiche pas de convictions religieuses et, questions voyages, se contente de faire l'Espagne en caravane. Rien qui la destine à devenir un docteur Schweitzer tiers-mondiste, une mère Teresa d'après-mur de Berlin, un Kérouac infirmier. Juste l'air du temps. En fac, elle se passionne pour l'antipsychiatrie. Après son diplôme, elle grimpe dans un Magic Bus, direction Goa et Katmandou. Au retour, elle entame une spécialité en