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Libération
Enquête

GRAND ANGLE. Histoires d'ultra-orthodoxes en rupture. Au ban des Haredim.

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publié le 21 décembre 1999 à 2h22

Jérusalem, de notre correspondant.

Chez ses parents, Yehuda se sent comme «un touriste». Il leur rend visite une fois par mois, en coup de vent. Pénétrer dans son ancien quartier, c'est traverser une frontière. Sa seule apparence fait de lui un étranger. Contrairement aux garçons du voisinage, il ne porte ni calotte, ni chapeau mou, ni veste noire, ni tsitsit, ces franges qui pendent autour de la taille, ni aucun autre signe vestimentaire de sa vie passée. A treize ans et demi, il a jeté le froc comme on quitte un ordre et coupé ses favoris bouclés, appelés «péot» en hébreu, qui lui encombraient l'esprit. «Je me suis dépêché d'enfiler un jean.» Il venait non seulement de fuguer, mais d'abandonner, sans doute pour toujours, ses amis, un mode de vie sévèrement codifié, une société repliée sur elle-même et, au détour, sa foi dans le judaïsme le plus strict.

«Mort» pour son père. Yehuda est un paria aux allures de fort en thème. Les cheveux drus et courts, le front mangé par l'acné, les yeux plein de malice derrière des lunettes cerclées, on lui donnerait une bonne note sans confession. Elève brillant dans un des meilleurs lycées, il approche les 16 ans et n'en fait qu'à sa tête. En dépit de l'heure tardive, il traîne dans un café littéraire rempli de bouquins poussiéreux et de jeunes gens à la mode. Depuis sa fuite, il ne cesse de changer de famille d'accueil. Il était auparavant un «haredi», un «craignant Dieu», car il est écrit dans Isaïe: «Ecoutez la parole de Dieu, vous qui