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Libération

Au Venezuela, l'Etat martyr de Vargas a perdu 30 000 de ses habitants. «Des morts, enterrés vivants, que l'on n'identifiera jamais».

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publié le 23 décembre 1999 à 2h14

La Guaira, envoyé spécial.

Des villages après un bombardement. Le bord de la mer des Caraïbes, sur toute la portion située entre Maiquetia, l'aéroport de Caracas, et Los Corales, offre un spectacle d'immense désolation. Cette trentaine de kilomètres, autrefois plage pimpante de l'Etat de Vargas, n'est plus que maisons éventrées, coulées de boue, pierres éclatées, un cimetière marin de plusieurs milliers d'hectares. Vargas est vraiment l'Etat martyr des pluies torrentielles vénézuéliennes: il a vu mourir plus de 30 000 de ses habitants, 10% de sa population!

Morts vivants. Dès la sortie du port de La Guaira, quadrillé par les parachutistes en armes, où les containers dépecés attestent de la réalité des pillages, on croise des colonnes de morts vivants, les derniers survivants d'un Hiroshima naturel qui semblent comme pétrifiés dans leur tristesse. «Je me suis décidée à regagner le monde des gens normaux, explique Maria Carmen, qui traîne deux sacs noirs en plastique contenant ses vêtements de rechange, toute sa fortune. J'ai vécu plusieurs jours sur la plage de Macuto, dormant sur des chaises rouillées, à jamais figées dans la terre, de l'hôtel aujourd'hui enseveli sous deux mètres de décombres et où je travaillais" Je ne voulais plus partir, et puis la faim et la soif m'ont fait rejoindre la route de l'exode, pour échapper aussi à la folie.»

Pour parvenir à Macuto, distante d'un kilomètre et demi, il nous faudra deux heures. Des vautours dépècent les restes d'un cadavre sous l'