C'est une rivière pierreuse qui se faufile entre les montagnes et descend vers le village de Martan Tchou, en territoire indépendantiste. Les positions russes sont à deux kilomètres des habitations et du chemin qui s'enfonce dans la montagne brumeuse. Pour rencontrer les boïviki wahhabites (fondamentalistes musulmans) qui ont quitté la ville d'Ourous-Martan considérée comme leur fief , afin de se retrancher dans les hauteurs, c'est à l'aide d'un tracteur dont les énormes pneus sont équipés de chaînes qu'il faut, en plein centre du lit de la rivière, remonter l'eau scintillante. Pendant les deux heures de route, on croise, au détour d'un arbre ou d'une grosse pierre qui a roulé des falaises craquelées, quelques silhouettes dévalant la pente vers le village, talkie-walkie à la main, sans armes. Ou une ombre immobile, extatique, paumes ouvertes vers le ciel, en train de prier, en ce mois de ramadan.
Rumeurs. L'air est empli des vibrations des avions russes, ennemi invisible, la paroi nuageuse étant particulièrement basse. Mais aucune bombe ne tombe. «Pourtant, les Russes savent parfaitement qui sont les wahhabites et qu'ils sont cachés dans ces montagnes-ci», s'étonne Islam, 23 ans, un boïvik appartenant à un groupement armé fidèle au président Maskhadov, qui tente de passer par ces vallons pour rejoindre les siens. L'accueil à la «base» n'est pas particulièrement chaleureux. Les «émirs» («commandants», en arabe) n'ont pas pour habitude d'ouvrir leurs portes