L'inconcevable s'est produit hier: le Chancelier de la réunification allemande, objet d'une enquête judiciaire; le patriarche de 69 ans, aussi imposant par sa stature que par son oeuvre, le grand Européen, l'architecte de la monnaie unique, le recordman de longévité, resté seize ans à la tête du gouvernement de la RFA poursuivi par la justice comme un vulgaire malfaiteur. Par une lettre, parvenue hier matin au président du Bundestag (Chambre basse du parlement allemand), le parquet de Bonn a annoncé son intention d'ouvrir une information judiciaire contre le député Helmut Kohl. La charge pourrait valoir jusqu'à cinq ans de prison ou une amende à l'ancien Chancelier, s'il était reconnu coupable.
Après trois semaines de prudente enquête préliminaire, les procureurs de Bonn ont abandonné les charges de parjure, fraude ou lavage d'argent sale, un temps envisagées. Mais ils ont estimé avoir assez d'éléments pour ouvrir une information judiciaire pour malversation. «Comptabilité parallèle». Acculé ces dernières semaines par les enquêtes des justices allemande, française et suisse, Kohl a, il est vrai, lui-même reconnu avoir mené, lorsqu'il était président de l'Union chrétienne-démocrate (CDU, de 1973 à 1998), une «comptabilité parallèle»: des comptes bancaires cachés lui permettaient de parquer certains dons secrets, puis d'alimenter des organisations ou fédérations régionales du parti, pour s'assurer de leur fidélité ou renflouer les parents pauvres de l'Est, à son entière discrét