Vukovar, envoyée spéciale.
Dans cette rue centrale de Vukovar, jadis célèbre pour ses arcades, aujourd'hui pour ses ruines, se dressent deux cafés, tous deux refaits à neuf, de style pub comme on les aime dans cette région. Tous deux affichent en vitrine le même poster, celui du tandem d'opposition formé par le social-démocrate Ivica Racan et le social-libéral Drazen Budisa, qui promettent une Croatie meilleure. Le premier établissement, Remy, est tenu par un Croate qui met à la disposition de ses lecteurs la presse d'opposition, toujours difficile à trouver. Le second, Kvin (transcription phonétique serbe du queen britannique) est tenu par un Serbe.
Contrairement au reste du pays où l'opposition est favorite, dans cette région dévastée par la guerre de 1991 et vidée alors de ses habitants croates, et qui peine à se reconstruire, ces premières élections législatives de l'après-Tudjman n'excitent pas les passions. Chez Remy, où se retrouvent les jeunes Croates, le barman affirme qu'il votera libéral, mais se dit convaincu que la Communauté démocratique croate (HDZ), qui dirige le pays depuis neuf ans, remportera les sièges de la région. «Le HDZ passera, car c'est lui qui nous a ramenés ici, nous les anciens réfugiés», dit le jeune Boris, qui a rapporté de ses quatre ans d'exil sur la côte un brin d'accent chantant. Chez Kvin, où viennent les Serbes, on ne veut pas prendre parti. «Ces affiches Racan-Budisa, juste de la pub», esquive le patron, comme s'il affichait sur ses murs l