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Libération
Enquête

Il y a de l'Ubu au royaume Ben Ali.

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GRAND ANGLE. Plongée au coeur du cauchemar sécuritaire tunisien. Peu à peu, sans un bruit, la Tunisie est devenue une immense prison, où même les plus ordinaires des citoyens ne savent plus ce qu'on a le droit de dire ou faire.
publié le 7 février 2000 à 22h24
(mis à jour le 7 février 2000 à 22h24)

Hier, le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, est arrivé à Tunis pour une visite de deux jours plutôt embarrassante. Celle-ci tombe alors que les relations entre les deux pays sont au plus bas. Jusque-là feutrées, les critiques contre Tunis se sont exacerbées lorsque Zine Ben Ali a été réélu avec le score de 99,4% des suffrages, en octobre. Si la presse étrangère a dénoncé la paranoïa sécuritaire du chef de l'Etat, celui-ci n'a voulu retenir que les commentaires des journaux français: selon lui, Paris est forcément responsable. France 2 a été suspendue, les quotidiens aussi, et le matériel d'un journaliste de France-Inter a été confisqué. Dans le même temps entrait en vigueur une loi sur l'arabisation, interdisant l'usage du français dans le domaine public. En position délicate, Védrine doit aussi veiller sur ses arrières. Son voyage a ainsi été précédé d'une missive de Danielle Mitterrand à Ben Ali. Elle y écrit: «La Tunisie, donnée en exemple pour son essor économique, s'enorgueillirait de s'ouvrir aux libertés publiques.»

 Honneur, prospérité. Les voisins saluent Mohamed avec respect. Dans un faubourg de Tunis, il vient d'être choisi «chef de quartier». «Personne ne connaît aussi bien que moi ce qui se passe dans chaque maison de cette zone. Pour moi, les murs sont transparents. Maintenant, je suis les yeux du président Ben Ali lui-même.» Mohamed relève tout ce qui «sort de l'ordinaire»: celui qui fréquente les mosquées et celui qui trompe sa