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Libération

Ce que cache la forêt de Haider. Les terres de l'extrémiste ont été extorquées par les nazis à une famille juive.

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publié le 22 février 2000 à 22h41

Haïfa, envoyé spécial.

Noami Merhav ouvre son album photos avec réticence, comme s'il lui brûlait les doigts. Elle tourne les pages rapidement sans prendre la peine d'identifier les visages qui se succèdent. Elle s'arrête sur une petite fille, dans un décor sylvestre, aux côtés d'un garçon vêtu d'un costume tyrolien, en culotte courte et bretelles. Son français lui revient un court instant avec la douceur du souvenir: «C'était les grandes vacances.» Elle n'est jamais retournée sur les lieux, une vallée forestière de la province autrichienne de Carinthie. Son camarade de jeu est mort durant la Deuxième Guerre mondiale sous l'uniforme allemand. Quant aux arbres, acquis par son père dans les années 30 et que l'on voit sur chaque cliché, autour d'un lac ou de solides chalets, ils ont fait la fortune du leader d'extrême droite Jörg Haider.

A 71 ans, elle oscille entre sa volonté de témoigner, au moment où l'Autriche flirte avec son passé, et un sentiment d'impuissance, doublé de lassitude. Son fils, Neri, ignorait il y a encore trois mois l'existence de la propriété de Carinthie. Son frère, Alexandre, qui dirige le département d'études bibliques à l'université hébraïque de Jérusalem, explique qu'il n'a pas le temps de recevoir des journalistes. Noami Merhav ne souhaitait pas apparaître dans les médias israéliens par peur de la publicité. «Je suis une personne tranquille. Ici, pour tout le monde, je suis madame Merhav, l'épouse du professeur Merhav.» Son mari dort dans un fauteuil