Ingouchie, envoyé spécial.
Dans l'une des maisons d'Alkhast habite le mollah tchétchène Arbi, avec femme, enfants, famille. Réfugiés là depuis le début de la guerre en octobre dernier. A Grozny, le mollah a été douze ans «instructeur pour les tramways chez les Russes», il a enseigné aussi, loin du wahhabisme (fondamentalisme), «l'éthique de l'islam» à des enfants. «Aujourd'hui j'ai peur de dire ça, car le Tchétchène est devenu l'ennemi», soupire-t-il en secouant sa cigarette dans un crâne miniature évidé en forme de cendrier. Loin du centre de Nazran, la capitale ingouche, avec ses maisons neuves en brique orange et ses toits argentés, loin des camps de réfugiés alentour, Alkhast est, à une poignée de kilomètres de là, un village tranquille de la campagne ingouche.
Pas d'école. Le mollah disparaît derrière un rideau accompagné de deux femmes tchétchènes venues en consultation. Car c'est aussi un guérisseur. Quand il revient, il parle de ses enfants, qui, dans ce village ingouche, ne vont pas à l'école: «Il n'y a pas de place pour eux.» Des enfants, des adolescents, restent cloîtrés à la maison, désoeuvrés. «Je ne veux pas qu'ils sortent, je ne veux pas qu'on les prennent pour des boïviki (combattants tchétchènes).» Et puis, soudain, l'horreur. Un homme dans la force de l'âge, en chemise blanche, vient d'entrer. Il s'appelle Charip Youssoupov, un habitant d'Aldi, faubourg sud de Grozny, dans le quartier de Tchernoretchié. Il raconte, encore sous le choc après des nuits d'inso