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Libération
Enquête

GRAND ANGLE. Des milliers de Nord-Coréens risquent leur vie pour passer en Chine, fût-ce pour quelques jours de répit. La rivière de la faim. Fuyant la famine qui a fait des millions de morts depuis 1995, ils traversent la rivière Tumen, bravant les flots, les balles...

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par Bertrand HOUARD
publié le 10 mars 2000 à 22h57

Frontière sino-nord-coréenne (envoyé spécial).

Les joues creuses, les mains qui tremblent de peur, deux Nord-Coréens d'une trentaine d'années ont traversé, la veille, la rivière Tumen, frontière naturelle avec la Chine. Leur but, manger et échapper pendant quelques jours à la famine qui sévit particulièrement dans le nord de leur pays. Un troisième, qui se présente comme le directeur d'une fabrique d'armes, leur a fixé rendez-vous en pleine campagne, à l'abri des regards. Lui, cela fait déjà une semaine qu'il s'est réfugié à Yanji, une ville de 80 000 habitants située à une vingtaine de kilomètres de la Corée du Nord. Il a le tee-shirt et la casquette maculés de sang: le matin même, une patrouille chinoise l'a battu à coups de crosse de fusil. Il a eu de la chance, les policiers avaient de la famille en Corée du Nord. Ils se sont abstenus de le livrer aux autorités coréennes . Alors, quand une jeep de la police passe sur la piste, ils se couchent tous les trois dans les herbes hautes pour ne pas attirer l'attention.

«Des loups». Qu'importe, Kang est fou de joie. Ses deux amis ont réussi à franchir Tumen sans se faire abattre par les soldats embusqués le long des rives coréennes, ni emporter par les courants froids de cette rivière de montagne. C'est la première fois qu'ils posent un pied hors de leur pays ­ un crime considéré comme de la haute trahison. Leurs femmes sont mortes de faim, leurs enfants dispersés à travers le pays à la recherche de nourriture, et eux-mêmes n'ava