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Libération

Les islamistes défilent à Casablanca, les «modernistes» à Rabat.

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Au maroc, les femmes réveillent la rue. La réforme du code de la famille suscite un débat virulent.
publié le 13 mars 2000 à 22h54
Depuis longtemps déjà, les islamistes marocains cherchaient à faire une démonstration de force. Leur première manifestation autorisée depuis l'avènement de Mohammed VI il y a huit mois leur aura incontestablement permis de signifier qu'il faut désormais compter avec eux. Combien étaient-ils exactement à défiler, hier à Casablanca, sur la grande route de Mediouna, récemment rebaptisée «boulevard Mohammed-VI»? La véritable guerre des chiffres à laquelle se sont livrés les «islamistes» et les «modernistes» qui, eux, marchaient au même moment à Rabat, ne permettra sans doute pas d'évaluer avec exactitude le rapport de force. Mais une chose est sûre: c'est une véritable marée humaine ­ de 100 000 à 200 000 personnes ­ qui, pendant près de trois heures, a envahi la Medina de Casablanca à l'appel des deux plus grands mouvements islamistes marocains, le PJD (Parti Justice et Développement, représenté au Parlement et soutenant la coalition gouvernementale) et Al-Adl wa Lihsane (Justice et Bienfaisance ­ tolérés mais non reconnus) de cheikh Yassine, en résidence surveillée à Salé, près de Rabat, depuis dix ans.

Cortèges séparés. Littéralement scindés en deux avenues ­ femmes d'un côté, hommes de l'autre ­, les islamistes étaient venus de tout le pays. Jeunes, vieux, femmes voilées ­ pour l'écrasante majorité ­ ou en jeans et talons, tous n'avaient qu'un mot d'ordre décliné en plusieurs slogans ou banderoles en arabe, mais aussi en français: «Contre les élites occidentalisées» et «pour le respect des valeurs musulmanes». «Emancipation de la femme oui, aliénation non»; «dignité de la femme», lançaient les manifestant(e)s, le doigt pointé en l'air, signe de l'unicité de Dieu. «Ce n'est pas une contre-marche, c'est la marche des femmes marocaines contre toute immixtion étrangère dans nos affaires culturelles. On peut reprocher beaucoup de choses à la mudawana (code du statut personnel, ndlr). Mais il faut un dialogue et un consensus national pour la modifier», affirmait Nadia Yassine, la porte-parole de Al-Adl wa Lihsane, qui défilait en tête de la manifestation aux côtés des dirigeants du PJD.

C'est en effet la réforme de la mudawana, qui fait des femmes d'éternelles mineures (Libération du 8 mars), qui a provoqué un violent débat entre «modernistes» et islamistes.

La controverse n'est, certes, pas nouvelle. Mais elle s'est aggravée avec l'irruption des islamistes sur la scène politique au cours de la dernière décennie. Le clivage a carrément tourné à l'affrontement verbal avec la présentation d'un projet gouvernemental «pour l'intégration de la femme au développement»,