Moscou, de notre correspondant.
«Il me paraît terrible qu'au début du XXIe siècle sur le continent européen, on puisse voir une destruction à grande échelle et les souffrances qui vont avec.» Ces mots, banalement effroyables, lord Judd, dirigeant une délégation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, les a prononcés samedi au sortir de Grozny en ruine. Avec ses collègues, il venait de visiter la capitale tchétchène sous contrôle russe. Le général Trochev, l'un des responsables des forces russes en Tchétchénie, qui dirigeait la visite assisté de nombreux officiels russes avait tout prévu. Sauf l'essentiel: à savoir que le spectacle d'une capitale sciemment rasée est, pour tout Européen normalement constitué, quelque chose d'inadmissible, un crime contre la dignité humaine. Et que, devant les nombreux civils qui ont trouvé la mort à Grozny ou qui y survivent, la prétendue notion d'«opération antiterroriste» s'écroule comme un château de cartes. «Il semble que cela soit la population ordinaire, les innocents, qui aient payé le plus cher», a ajouté le diplomate, dont le pathos n'est pas la spécialité, choqué qu'il fut comme ses collègues.
Peinture fraîche. Comme souvent lors des visites très guidées que les Russes organisent en Tchétchénie, le scénario avait dérapé et la réalité avait rattrapé la fiction mise en place. Au camp de filtration de Tchernokozovo, après les témoignages de viols et de tortures recueillis par des ONG, des associations et des journalistes,