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Libération
Enquête

GRAND ANGLE. Les Tigres enragés. Au Sri Lanka, la guerre suicide des nationalistes tamouls. Le mouvement des Tigres de libération de l'Eelam tamoul est l'un des plus fanatiques au monde. Entre 10 000 à 15 000 combattants exaltés, qui ne se laissent jamais prendre vivants par l'ennemi cinghalais. Témoignage d'un des rares survivants.

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publié le 14 mars 2000 à 22h52

Jaffna, Colombo envoyé spécial.

La scène se déroule, en 1995, dans une jungle perdue du nord du Sri Lanka. Jerom et Nimal, deux combattants des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), décampent précipitamment après une embuscade ratée contre l'armée gouvernementale et se retrouvent encerclés par une unité de militaires. Après s'être mis à couvert, ils vident les munitions qui leur restent sur les soldats, puis échangent un dernier regard avant d'accomplir ce geste ultime auquel leur entraînement les a tant de fois préparés: le suicide. Un «Tigre» tamoul ne se laisse jamais prendre vivant par l'ennemi cinghalais. Nimal arrache la kuppi (capsule) de cyanure qui pend à son cou par une chaîne en or. Il brise le verre du petit cylindre de 3 cm de long et avale les cristaux" Jerom nous fait ce récit, le sien, dans sa maison délabrée de la banlieue de Jaffna. «Le spasme a duré trois secondes, pas plus. Il est parti presque tout de suite.» L'air soudain indifférent, il complète: «Moi, je n'avais plus de capsule. Elle s'était endommagée lors d'un combat qui s'était déroulé la veille" J'avais remis ce qu'il en restait à mon supérieur. Alors, j'ai dégoupillé ma dernière grenade, je l'ai placée sur mon coeur et je me suis couché dessus. Elle n'a pas explosé. ça arrive parfois, quand elles sont trop vieilles.» Sur cette grenade défaillante, improbable et dérisoire, il compte longtemps les secondes avant d'être arrêté par les militaires cinghalais.

Jerom est l'un des très rares ex-co