Dakar, envoyé spécial.
Sur l'axe sortant du centre-ville, des cabanes en carton, en bois ou en tôle se serrent autour de quelques casses automobiles. De la zone industrielle voisine, un canal charrie des eaux fétides auxquelles s'ajoutent de l'huile de vidange et des matières fécales. Sous une bretelle en béton, à l'ombre, des petits chevaux dételés de leur carriole à fruits et légumes broutent du foin. Rendez-vous manqué. Jour de repos, dimanche électoral. Dans le bidonville de Kolobane, l'inédit second tour d'une présidentielle au Sénégal, le face-à-face entre le président Abdou Diouf et l'opposant Abdoulaye Wade est vécu comme un rendez-vous avec l'Histoire. Surtout par ceux qui le manquent. «Je n'ai pas de carte d'identité et, donc, je n'ai pas pu m'inscrire sur la liste électorale», se lamente Sophie Sene, quinquagénaire avec onze enfants à charge. «Pour avoir ma carte, j'aurais dû aller chercher au village un extrait d'acte de naissance. Mais je n'ai pas l'argent pour le voyage.» Cependant, son mari et leur fils aîné votent pour Abdoulaye Wade, «pour que ça change». Comme les autres «soudeurs», le terme désignant tous ceux qui travaillent la tôle, de l'épaviste au fabricant de braseros, ils votent dans la «banlieue», à Pikine, là où ils habitent officiellement. «S'il y avait la justice, dit la femme en haillons, leur bulletin compterait pour dix.»
A Kolobane, le président du comité de gestion du bidonville, Moustapha Thiam, soutient Abdou Diouf, au pouvoir depuis vingt