Le plus célèbre crâne chauve du Sénégal n'aime pas le sobriquet qui lui colle à la peau depuis plus d'un quart de siècle: «Fantômas», le mauvais génie insaisissable, un pied dans l'opposition, sinon en prison, l'autre dans le gouvernement. Par deux fois, d'avril à octobre 1992, puis de mars 1995 jusqu'en mars 1998, le tribun du sopi le «changement» en langue wolof a été ministre d'Etat du président Abdou Diouf. Chaque fois, il a démissionné en repassant de plain-pied du ministère à la rue, sans perte de popularité. Il s'est même offert le luxe de rester en France, à Versailles, l'année avant la présidentielle, et de ne rentrer à Dakar que fin janvier pour y reprendre la tête de l'opposition. Mais, aujourd'hui, Abdoulaye Wade saute à pieds joints dans l'Histoire: il est le premier, en Afrique francophone, à imposer l'alternance par les urnes à un régime issu de la colonisation.
Premier de la classe. A l'indépendance du Sénégal, l'avocat stagiaire du barreau de Besançon revient au pays, 34 ans et bardé de diplômes. Toujours premier de sa classe, également mathématicien et économiste, Me Wade rejoint le Parti socialiste du «président-poète» Senghor, dont on oublie souvent qu'il mit d'abord fin au pluralisme politique. Responsable local du PS, bloqué dans son ascension, Wade se rebiffe en 1973 et, se voulant rusé, propose au chef de l'Etat un «parti de contribution». Un an plus tard, la rupture sera nette. Me Wade entre dans l'opposition en créant le Parti dé