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Libération

Procès d'un Mengele autrichien. Symbole de l'absence de dénazification, le Dr Gross devrait être enfin jugé.

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publié le 21 mars 2000 à 23h24

Vienne, de notre correspondant.

Le Dr Heinrich Gross est aujourd'hui un vieillard. A 84 ans, il souffre d'une angine de poitrine, doublée de problèmes cardiaques. Il n'empêche: ce psychiatre, ancien membre éminent du Parti socialiste autrichien et ancien expert auprès de la Cour de justice, se retrouve aujourd'hui sur le banc des accusés.

Plus d'un demi-siècle après les faits, il est soupçonné d'avoir directement causé la mort d'au moins neuf enfants, alors qu'il était jeune médecin dans l'hôpital viennois Steinhof. Un établissement connu comme étant l'un des centres actifs où fut appliqué le programme d'euthanasie du IIIe Reich. Son procès, qui commence aujourd'hui, pourrait ouvrir l'un des plus grands débats sur le passé nazi de l'Autriche. Depuis trente ans, il n'y avait pas eu de procès d'anciens responsables nazis. C'est donc aussi, pour les Autrichiens, un test sur leur capacité à se confronter avec le passé criminel de leur pays.

Têtes dans le formol. Sanatorium Strasse numéro 2, à la périphérie de Vienne. Sur une large colline surplombant la ville, une vingtaine de bâtiments abritent les patients mélancoliques de l'hôpital psychiatrique Steinhof. Dans les caves du pavillon numéro 15, sur de poussiéreuses étagères en bois, sont alignés plusieurs dizaines de larges bocaux aux reflets étranges. Remplis de formol, ils contiennent des têtes d'enfants aux yeux fermés, comme s'ils dormaient. C'est là tout ce qu'il reste des 772 enfants morts dans le pavillon Am Spiegelgrund, à