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Libération
Enquête

GRAND ANGLE. Au Congo-Kinshasa, un conflit ethnique sur fond d'occupation ougandaise. Dans cette province du Nord-Est occupée par l'Ouganda voisin, la jacquerie des Lendus contre les propriétaires terriens Hemas a dégénéré en massacres. Des milliers de personnes ont été tuées depuis juin.

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publié le 30 mars 2000 à 23h11

Province de l'Ituri, envoyé spécial.

Quand la Jeep s'engage dans une ornière de la piste et se déporte vers des silhouettes immobiles sur le bas-côté, le chauffeur, de l'ethnie Hema, s'arc-boute sur la pédale d'accélérateur. Moteur emballé, coup de volant nerveux, il a reconnu un groupe de Lendus dans l'ombre des roseaux: «Il y a ici une zone Lendu à passer avant de revenir en territoire Hema. C'est très mauvais de s'attarder.» Au hasard des chemins de l'Ituri, au nord de la République démocratique du Congo, il n'y a plus de simples passants. Depuis huit mois, l'identité est devenue une question de vie ou de mort. Chacun sur leur territoire, Hemas et Lendus se traquent en établissant les long des routes des barrages où les voyageurs sont triés au faciès et les malchanceux assassinés séance tenante à la machette.

425 morts un matin à Blukwa Mais, ce matin de février, pas l'ombre d'une de ces embuscades. Encore une heure de piste défoncée entre les hautes herbes et les roseaux, et c'est Blukwa. Quelques maisons en béton rongées par les pluies, une église en briques sale où flotte encore l'odeur de la mort, quelques restes éparpillés de paillotes calcinées et surtout, des tombes fraîches. Le groupement de villages Hemas se remet lentement d'une attaque de guerriers Lendus, le 9 janvier. Plusieurs milliers d'assaillants équipés d'un arsenal de pauvres, machettes, flèches et haches, s'étaient alors abattus sur Blukwa. Juste après le carnage, un cameraman amateur a fixé sur bande