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Libération

Francis et sa vision des ténèbres

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Un ancien adepte raconte brimades, sévices et menaces de mort.
publié le 5 avril 2000 à 0h17

Dans un minuscule atelier au bord de la route, Francis Byaruhonga ponce des meubles. A moins de 10 kilomètres de l'un des plus importants charniers du Mouvement pour la restauration des dix commandements de Dieu ­ dont il a été un adepte pendant dix ans ­, il ressasse, au milieu des copeaux, son passage au sein de la secte créée par Joseph Kibwetere.

«J'ai rejoint le culte en 1989 et je l'ai quitté deux ans plus tard, lorsque je suis arrivé à la conclusion que ses chefs étaient des escrocs. J'étais le bedeau du père Dominic Katarbaabo (chef de la branche de Rugazi, où 183 cadavres ont été retrouvés dans des fosses communes, ndlr) depuis plus de dix ans. Lorsqu'il a quitté l'Eglise catholique pour rejoindre le culte, je suis parti avec lui. Au début, personne ne m'a demandé d'argent. C'est seulement plus tard que j'ai dû, comme tous les autres, vendre mes biens: ma maison, mes champs, mon bétail. J'ai alors donné tout l'argent, 1,5 million de schillings (plus de 6 000 F) aux responsables, Joseph Kibwetere et Credonia Mwerinde. J'ignore ce qu'est devenu cet argent.»

«On ne s'exprimait que par signes.» «Ma femme et mes dix enfants ont rejoint le culte en même temps que moi, ainsi que tous mes voisins, mon frère, mes cousins. Le culte était basé sur une série de règles, dictée par Credonia Mwerinde: ne pas s'exprimer autrement que par signes, ne pas boire d'alcool, s'abstenir de toutes relations avec sa propre femme. Mon épouse ne pouvait plus m'approcher lorsque