Buenos Aires, de notre correspondante.
«Le futur est un visage/un doux nom/un sang en chemin/vers ce chemin.» Ses vers étaient prémonitoires. Après vingt-trois années, le poète argentin Juan Gelman vient de retrouver sa petite-fille, née en captivité sous la dictature uruguayenne (1973-1985). Vendredi, le nouveau président uruguayen, Jorge Battle, a confirmé à Gelman les informations que le poète avait lui-même réunies dans sa longue enquête sur le destin de celle ou celui dont il voulait connaître le visage et le nom. Le cauchemar de Gelman avait commencé en juillet 1976, avec l'enlèvement par la dictature argentine (1976-1983) de son fils, Marcelo et de sa belle-fille Maria Claudia, alors enceinte de sept mois. A Buenos Aires, le couple est mené dans un centre de détention (l'atelier «Orletti»), où les militaires regroupent des séquestrés de différentes nationalités. Après des semaines de torture, Marcelo est assassiné d'une balle dans la nuque (on a retrouvé ses restes en 1990). En revanche, Maria Claudia est, pour une raison encore inconnue, transférée clandestinement à Montevideo, avec des séquestrés uruguayens, lors d'une opération de type Condor (qui coordonna la répression des dictatures sud-américaines).
Depuis deux ans, des témoignages de survivants ont permis à Gelman de reconstituer l'histoire de Maria Claudia Irureta Goyena. Des membres du service d'information de la Défense (SID) l'ont extraite de leurs locaux et conduite avant son accouchement à l'hôpital mili