Tunis, envoyé spécial.
La photo de Habib Bourguiba publiée à la une des quotidiens tunisiens de vendredi est rigoureusement la même, comme si elle avait fait l'objet d'un choix collectif minutieux: un vieil homme digne, debout devant le drapeau national. La ligne éditoriale est également identique dans tous les titres, officiels ou officieux: hommage au président disparu, dont le successeur, Zine ben Ali, est le légitime continuateur, arrivé à temps pour sauver le pays du naufrage.
Savant dosage. C'est donc avec une orchestration soigneusement étudiée que la Tunisie vit depuis deux jours à l'heure du deuil national, et enterre ce samedi, dans sa ville natale de Monastir, au centre du pays, le «père» de son indépendance et son dirigeant pendant trois décennies. Un savant dosage entre la reconnaissance de la dette à l'égard du disparu, mais sans trop en faire pour ne pas jeter d'ombre sur son successeur. Au point que le quotidien le Temps titre mystérieusement sa nécrologie de Bourguiba: «L'homme est grand mais ce fut un homme.» De son côté, l'éditorial de la Presse rappelle que «l'âge et la maladie ont fini par menacer l'artisan et l'édifice», et que le «sauvetage» est venu «un certain 7 novembre 1987», c'est-à-dire le jour du «coup d'Etat médical» de Ben Ali contre Bourguiba. Une récupération en douceur de la mort du vieux dirigeant pour redorer le blason d'un régime en perte de vitesse. Cette ambiguïté fondamentale entre le «père» et le «fils», entre l'inventeur de la Tuni