Les Marocains ne liront pas cette semaine le Journal, l'hebdomadaire
pourtant le plus vendu du pays, ni Assahifa, son édition en arabe. «Sur ordre du Premier ministre» (le socialiste Abderrahmane Youssoufi), ces journaux ont été interdits d'entrée au Maroc (ils sont imprimés en France depuis un litige avec leur imprimeur) pour avoir publié un entretien avec le chef du Front Polisario, Mohammed Abdelaziz. Dès samedi matin, jour de l'arrivée des hebdomadaires au Maroc, sa direction avait déjà compris, en recevant plusieurs coups de téléphone qui évoquaient une «rumeur d'interdiction». Mieux: un dossier circulant dans le milieu de la presse semblait préparer le terrain. Il incluait notamment une affiche réalisée par les Sahraouis à partir de photos publiées par le Journal montrant des manifestants malmenés par les forces de l'ordre marocaines après les incidents de septembre à Laayoune.
«Cinquième colonne». De là à en déduire que cet hebdomadaire fait le jeu du Front Polisario, il n'y a qu'un pas que le gouvernement a franchi. Dans un pays qui peut se targuer d'être l'un des seuls du monde arabo-musulman à connaître une réelle ouverture démocratique depuis l'intronisation du roi Mohammed VI, la violence du ton utilisé dans le communiqué annonçant la double interdiction a de quoi surprendre. Il dénonce en effet la rencontre du directeur du Journal, Aboubakr Jamaï, avec le chef du Polisario, «organisée par certains milieux hostiles à notre pays en hommage à l'impudence séparatist