Rio de Janeiro, envoyée spéciale.
Il n'est pas 10 heures du matin et la mamie en short blanc embaume déjà la cachaça, le rhum local. «Je veux le dentier que tu m'as promis», gueule-t-elle à Rosa Fernandes, qui tente de discuter calmement avec le président de l'association des habitants de la création d'une école de danse pour les enfants. Madame la conseillère municipale n'est pas femme à se laisser impressionner. Avec la même gouaille, elle renvoie la quémandeuse à son dentier et échange quelques bourrades affectueuses, histoire de montrer qui est le chef à Nossa Senhora da Apresentaçao, l'église voisine (Notre-Dame-de-la Présentation). Enfin, c'est comme ça que les 200 familles qui habitent ici aimeraient qu'on appelle la favela, plutôt que «le trou de Virgile», allusion à l'ancien propriétaire de l'usine en ruines sur laquelle les sans-logis ont construit des baraques de bric et de broc. Embourgeoisement. Ce cloaque, menacé à chaque pluie, accède à son tour à la manne du projet «Favela-bairro» (favela-quartier). Les travaux commencent dans quinze jours, et il est temps de montrer au tout-Rio qu'ici, on est tout aussi respectable que dans la «ville d'asphalte». Les habitants ont déjà installé un système de vidéosurveillance, comme dans les beaux quartiers, pour se protéger des «indésirables». La favela n'a qu'une hâte, s'embourgeoiser. Lancée il y a six ans, la rénovation des favelas, une appellation qui vient, dit-on, d'une plante qui poussa sur la première colline invest