«J'ai un pied dans la cuisine», a dit un jour le président Fernando
Henrique Cardoso pour exprimer sa profonde «brésilianité». Une image familière pour dire qu'il descendait à la fois du maître et de l'esclave, du blanc et de la noire. Aujourd'hui encore, c'est cette conception «cordiale» adjectif très brésilien d'un peuple métis qui domine le discours sur l'identité nationale.
Dans un pays-continent, longtemps divisé en capitaineries autonomes, l'unité nationale s'est construite plus lentement que dans le reste de l'Amérique latine: indépendance en 1822, sur fond de conspirations alimentées par les conflits qui divisaient l'Europe; abolition de l'esclavage en 1888 sous l'empereur Pedro II, au grand dam de l'aristocratie foncière qui allait précipiter sa chute et mener à la proclamation de la République en 1889. «En uniforme ou en complet-veston, au grand jour des dictatures ou derrière le paravent des Constitutions libérales, l'autoritarisme et l'exclusion politique dominent le XXe siècle brésilien», écrivent les historiens Bartolomé Bennassar et Richard Marin (1). Ces régimes successifs n'auront de cesse, pour asseoir leur pouvoir, qu'il n'élaborent un modèle national d'harmonie entre les «races» l'indienne, la blanche et la noire.
Pour se construire, le Brésil indépendant cherchera d'abord à se débarrasser de son passé portugais. A la fin du XIXe siècle, la figure de l'Indien, dont les principaux groupes sont déjà largement décimés, est exaltée comme symbole du nationa