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Enquête

GRAND ANGLE. Timor-Est à l'heure de la réconciliation. Le retour des«traîtres». Le Haut- Commissariat pour les réfugiés supervise la réinstallation à Timor -Est de dizaines de milliers de «collabos» de l'armée indonésienne. Pendant que se poursuit l'enquête sur les massacres de 1999.

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publié le 25 avril 2000 à 23h49

Timor oriental et occidental, envoyé spécial.

Antonio est de retour dans son village de Barupite, près de Dili: les yeux bouffis, les muscles du cou tendus comme des cordes, il débarque avec sa femme et ses cinq enfants du camion du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) qui l'a acheminé jusque devant sa maison. A peine le gros tas de ballots et de bagages déchargé, une foule d'une centaine de voisins approche, silencieuse comme un cortège d'enterrement, pour observer le «traître» qui vient leur demander pardon.

Hier, Antonio était un soldat de l'armée indonésienne. Il faisait partie de ces unités de milliers d'Est-Timorais que Djakarta utilisait contre les résistants indépendantistes du Falintil. Surtout pour les opérations de nettoyage, le sale boulot. Antonio, sur ce chapitre, reste muet. Toute sa carrière, il l'a passée à collaborer avec l'occupant: il avait été enrôlé en 1976, l'année de l'annexion du territoire par les militaires indonésiens ­ qui ont fait périr près d'un tiers de la population (200 000 habitants) dans les années qui ont suivi. En septembre 1999, après le vote pour l'indépendance des Est-Timorais, Antonio s'est replié avec son régiment et toute sa famille dans la partie indonésienne de l'île, non sans avoir participé à la dernière mise à sac du territoire que Djakarta voulait laisser exsangue. Puis il a voulu revenir.

«Les Timorais sont très attachés à leur terre" Antonio sait qu'il sera sans doute tabassé, mais il est tout de même revenu, car après ce