La Corne de l'Afrique est en voie de pacification humanitaire. Après
avoir, en vain, coupé l'aide au développement à l'Erythrée et à l'Ethiopie pour les obliger à mettre fin à leur guerre frontalière, la communauté internationale s'est décidée à répondre massivement à l'appel au secours des deux belligérants, victimes de pénurie alimentaire due à une sécheresse persistante. «Parrain» des deux régimes en conflit, les Etats-Unis espèrent ainsi étouffer la guerre sous des centaines de milliers de tonnes de blé. Consentants ou manipulés, les organismes humanitaires et l'opinion publique sont mis au service de cette nouvelle stratégie. Or, s'il est certain que la guerre affame, il n'est pas sûr que l'aide alimentaire nourrisse la paix.
L'Ethiopie est un géant sur le marché humanitaire, le seul où le pauvre est roi. Bon an mal an, le Programme alimentaire mondial (PAM) y nourrit près de 5 millions d'habitants sur 63 millions au total et y «réalise» un cinquième de son budget, 1,8 milliard de francs. Sur les hauts plateaux abyssins, certaines régions vivent de la charité internationale depuis la grande famine de 1984-85. Cette année, la précarité alimentaire n'y est pas plus aiguë qu'auparavant, parfois au contraire. Ainsi, selon une étude nutritionnelle de l'ONG britannique Save The Children datée du 3 mars, dans les zones les plus durement touchées il y a quinze ans, la disponibilité de nourriture par rapport à la seconde moitié des années 90 est meilleure cette année pour 42%