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Libération
Enquête

GRAND ANGLE. Serbes retranchés. Au Kosovo, à Mitrovica, ils recréent un «petit Belgrade».

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publié le 12 mai 2000 à 0h25

Mitrovica, envoyé spécial.

Le soleil peine à se lever que déjà, les employés serbes de l'énorme complexe industriel de Trepça battent la semelle face au pont. Des prolétaires. Des matinaux. Ponctuels comme des pointeuses. Chaque jour, rituel immuable, mineurs, caristes ou métallos sont les premiers à faire le pied de grue devant les chevaux de frise comme ils furent, d'autres temps, les premiers à l'embauche. Suivent les secrétaires, pimpantes, tirées à quatre épingles, et qui annoncent l'apparition prochaine des cadres en costumes gris. A ces clones sévères de la bureaucratie socialiste, tendance yougoslave, il revient de constater la présence des troupes de l'Otan sur la rivière Ibar. Sans surprise, le contingent français en charge de Mitrovica n'a pas levé son barrage, fermant de fait l'accès aux puits, aux bureaux, aux usines situés sur l'autre rive, dans les quartiers du Sud à majorité albanaise. Nouvelle journée d'oisiveté pour les travailleurs serbes. Les agents de maîtrise, pourtant, s'assurent de la présence effective de chacun des salariés, vérifient la raison des absences. Une liste est dressée que vient récupérer le directeur. Un homme pressé, conduit par son chauffeur, dans une berline de fonction. Lui seul ne souffre pas du chômage technique imposé à ses ouvriers par la division de la ville. A Belgrade, le ministère de l'Industrie attend toujours ses statistiques.

Sourire narquois, Snezana Lazarevic excuse l'absurde de la situation, entraînant ses copines vers le