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Libération

Sierra Leone, sous le feu des diamants. Contrôlé par les rebelles, le commerce des pierres est au coeur du conflit.

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publié le 25 mai 2000 à 0h50

Kenema, envoyé spécial.

L'homme entre dans la quincaillerie puis, par la porte communicante, se glisse dans le bureau du patron. Il s'assied, sans mot dire, et sort de son paquet de cigarettes une feuille mille fois pliée. Elle contient cinq diamants. Sans poser de questions, Musa Morowah les examine à la loupe. Une première pierre, d'une belle eau, pèse un carat, soit 0,2 gramme. Elle est cependant clivée et doit être séparée en deux au moment de la taille. Le diamantaire l'évalue à 1150 francs. Une deuxième pierre, trois quarts de carat, vaut à ses yeux 700 francs. En y ajoutant les trois diamants industriels qui font partie du lot, Musa Morowah offre 2 000 francs. Le vendeur en réclame 3 500. L'affaire ne se conclut pas. N'ayant prononcé qu'un chiffre, l'homme quitte le comptoir sans dire au revoir.

Musa Morowah est libanais. «Façon de parler, dit-il. Mon père est né en 1944 en Guinée. Moi et mes fils, nous sommes nés en Sierra Leone. Après deux semaines de vacances au Liban, on n'a qu'une seule envie: rentrer ici à Kenema, où je suis installé depuis 1988.» Il n'empêche qu'en cas de coup dur Musa Morowah est considéré comme libanais par les Africains, ceux qui passent silencieusement dans son bureau et ceux qui lui réclame la «charité» ou du «crédit» pour un seau et dix clous dans sa quincaillerie. Le fonds de commerce n'est que la vitrine sociale du vrai business, celui du diamant. A Kenema, la capitale du «Far East» de la Sierra Leone, tous les comptoirs sont tenus par