Uvira, correspondance.
C'était une nuit sans lune, il y a quelques mois. Dans Uvira endormi, des ombres ont envahi les rues. Sans bruit, les guerriers maï-maï venaient d'investir la ville. Tandis que les soldats tiraient dans l'obscurité au hasard, l'émotion des habitants a pris un tour particulier. Dans sa cour au gravier ratissé, si nette sous le soleil, Immaculée sourit encore au souvenir de cette nuit. «Par la fenêtre, sans se faire voir, on regardait nos voisins banyamulenge courir dans leur parcelle (cour intérieure, ndlr), paniqués. Ils se demandaient si les maï-maï allaient les tuer. On riait doucement. Jusqu'à ce qu'on aperçoive, au clair de lune, qu'ils étaient en train de déterrer des armes. Ainsi, nos bons vieux voisins vivaient à nos côtés depuis des années, avec des fusils, prêts à tuer? Qui parle maintenant de vivre ensemble?»
Ségrégation de fait. Dans ce coin d'Afrique de l'Est sous contrôle d'un mouvement rebelle le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et de ses alliés le Rwanda et, dans une moindre mesure, le Burundi , Uvira est une ville écartelée. Dans le swahili commun à tous, Immaculée, qui se dit «congolaise autochtone», n'entend plus désormais que l'accent banyamulenge de ses voisins. Banyamulenge, c'est ainsi qu'on nomme la population d'origine tutsie, venue du Rwanda pour s'installer, au fil des générations, dans ce pays d'adoption d'abord nommé Zaïre, puis république démocratique du Congo (RDC). Poussés par leur appétit de migrant