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Libération
Enquête

GRAND ANGLE. Rencontre avec le dernier des fondateurs du pool antimafia en Italie. Le survivant.

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Ancien magistrat de choc, engagé pendant trente ans dans la lutte contre Cosa Nostra, Ferdinando Imposimato dénonce aujourd'hui dans un livre la défaite de l'Etat italien. «La mafia a vaincu», dit-il.
publié le 2 juin 2000 à 1h27

Il traîne toujours un gros cartable noir plein de notes envoyées par d'anciens collègues, de dépêches d'agence soigneusement classées sur les triades, les cartels et les mafias en tous genres. Dans des chemises en carton, il range des coupures de presse abondamment soulignées venant d'un peu partout. «Avec le temps, le loup perd le poil mais pas le vice», dit le proverbe italien. Le juge Ferdinando Imposimato, 64 ans, fut longtemps à Rome chargé des dossiers les plus chauds. Il combattit les Brigades rouges après l'assassinat d'Aldo Moro, enquêta sur l'attentat contre le pape, mais surtout il joua un rôle de tout premier plan dans la lutte contre la mafia. En Italie, des policiers lui assurent toujours une discrète protection rapprochée. Et, dans la poche de son veston, sa caricature croquée par son ami Fellini ne le quitte pas: «C'est mon porte-bonheur.»

«Un mort qui marche»

Définitivement retiré de la magistrature depuis un an, après avoir animé pendant deux législatures la commission d'enquête parlementaire antimafia, il est sans illusion: «Cosa Nostra n'oublie rien.» Courtois, volontiers ironique, toujours élégant comme un gentiluomo du Sud, l'ancien magistrat de choc abandonne son apparente nonchalance pour dénoncer la démobilisation grandissante de l'Etat italien face à la Pieuvre. Quand, dans les rues des villes siciliennes, les morts se comptaient par centaines dans les années 80, le pouvoir a été contraint de faire mine d'agir. Aujourd'hui, la mafia est moins visible mais n'en est pas mo