Jacques Ngun n'a pas un regard pour les photos qui ornent l'entrée
du bureau londonien de Survival, ONG de défense des peuples indigènes. Avec son anorak et son sérieux d'instituteur, il n'a pas la tête à figurer dans cette exposition des espèces humaines en voie de disparition. C'est pourtant de survie qu'il parle depuis qu'il a quitté la forêt pour une tournée à Washington et dans les capitales européennes. Ngun est pygmée. Jette le mot, si souvent péjoratif, comme une provocation au reste du monde, aux Bantous, qui exploitent son peuple, à l'Etat camerounais, qui l'ignore, aux Blancs, qui font irruption dans son univers. Le tracé de l'oléoduc Tchad-Cameroun passe par la forêt où vivent les Pygmées Bagyeli. «Je ne dis pas que la forêt sera totalement détruite. Mais des arbres seront arrachés que nous utilisons pour les produits ligneux ou la médecine. Moi qui ai l'habitude de trouver le gibier tout près, il faudra faire 15 ou 20 kilomètres. Nous ne sommes pas contre le projet, nous demandons à être davantage impliqués.»
Oui et non. Que pèsent environ 4 500 individus éparpillés dans des campements face aux bulldozers qui vont percer sur 30 mètres de large une route de l'or noir de plus d'un millier de kilomètres? Pas lourd. La Banque mondiale s'est pourtant efforcée de consulter toutes les populations touchées par le projet. Les Pygmées du Cameroun ont donc vu passer des experts mandatés par Washington. Les études concernant l'impact de l'oléoduc sur leur mode de vie ont ét