Humera (frontière entre l'Ethiopie et l'Erythrée)
envoyé spécial
Depuis l'aube, cela n'a pas cessé. Une noria de camions militaires entre en Ethiopie dans un fracas de tôles, passant le pont métallique de Humera, sur la rivière Tekeze, dont le lit vaseux marque la frontière avec l'Erythrée. La colonne des poids lourds éthiopiens, barbouillés de terre et de gasoil pour se fondre dans le paysage couleur boue, descend sans hâte des territoires conquis en Erythrée depuis l'offensive générale du 12 mai. Dans ses bennes, un amas de soldats fatigués, d'armes et de matelas.
A première vue, cela ressemble à un repli. «Un repli? Certainement pas», affirme le colonel Seyoum Abraham, l'un des commandants éthiopiens de la région. Flottant dans le treillis toujours large aux entournures des troupes d'Addis-Abeba, le colonel affiche l'euphorie du vainqueur: «Il s'agit seulement d'assurer la logistique de nos troupes positionnées en Erythrée. Là-bas, notre victoire est sans appel. 60 % des troupes érythréennes ont été tuées, blessées, sont perdues ou en fuite au Soudan. Nous avons incontestablement l'avantage. D'ailleurs, nos camions circulent sans escorte. Toute la zone à partir de la Tekeze et jusqu'à Guluj, à 35 kilomètres d'ici en territoire érythréen, est sous notre contrôle. Je le répète, nous n'évacuons pas. Je vous accorde que nous avions prévu de nous retirer au cours des jours derniers, considérant notre mission achevée. Mais, dès que nous avons décroché, "Shabia" (le «Peuple», abrév