Isabelle Adjani a refusé d'assister au dîner d'Etat hier soir à l'Elysée en l'honneur d'Abdelaziz Bouteflika. Un geste d'autant plus significatif que l'actrice n'a pas l'habitude d'intervenir à tout bout de champ sur la scène politique. Elle s'en explique dans un entretien à Libération.
Pourquoi cette prise de position?
Je n'aime pas intervenir dans la bonne foi viscérale, même s'il y a toujours, chez moi, une fraction de seconde justement viscérale qui précède la décision d'intervenir. Ma parole, de toute façon, ne peut être que symbolique, puisque je ne suis pas sur le terrain, ni dans une information politique soigneusement à jour.
On retient tout de même un vrai fil dans vos prises de position qui ont d'abord porté sur le racisme avant de se concentrer sur l'Algérie. Par quoi êtes-vous liée à ce pays?
Par mon père, qui était algérien, ce qui ne fait pas de moi une «beur» puisque ma mère est allemande. Et si paradoxal que cela puisse paraître, cette «semi-légitimité», cette extraction de demi-souche comptent pour moi car elles me décollent d'une réactivité trop émotionnelle et d'un interventionnisme systématique, presque obligatoire. En restant contestable, je me permets le luxe d'être subversive par choix et non par obligation d'origine.
Une première fois, au moment des émeutes de 1988, vous allez en Algérie…
A la suite d'un témoignage sur la torture qui m'a horrifiée parce qu'il était la répétition, cette fois entre Algériens, des atrocités infligées deux décennies auparavant par les Français, j'ai eu le souffle coupé. Pas question de me débarrasser de cette douleur, alors j'ai