Bulawayo, envoyé spécial.
Le grillage, tout neuf, barre l'horizon tellement la propriété est grande. A l'entrée de la ferme, en fait une zone de chasse exclusive pour des adeptes de safaris faciles, un vigile en uniforme relève l'identité des visiteurs et l'immatriculation de leurs véhicules qu'il communique, à la radio, au "patron". Le feu vert obtenu, il laisse passer. "Bien sûr qu'on est sur nos gardes", admet Dave Joubert en ouvrant le gros cadenas qui verrouille une seconde clôture, celle ceignant sa maison et un jardin fleuri. "Zimbabwéen depuis trois générations", blanc, cet avocat de formation s'est recyclé en gentleman-farmer il y a vingt-cinq ans, à la veille de l'indépendance. Il préserve du gros gibier pour ses clients fortunés et élève des autruches, dont la viande est de plus en plus prisée par la gastronomie "bio" en Europe. "J'en tire un bénéfice quinze fois supérieur à ce que me rapporterait l'exportation de viande de boeuf."
Depuis trois mois, Dave Joubert, un homme madré tout en rondeur, sert de médiateur entre les fermiers blancs et les war vets (les vétérans de la guerre d'indépendance) qui ont envahi toutes les propriétés de la région, sauf la sienne. "Chez moi, il faudrait d'abord défricher", dit-il en riant. Cependant, même ailleurs, l'occupation est presque amicale. "Les war vets du coin ont simplement pris les devants pour éviter qu'on soit tous envahis par les gens du pouvoir, les gens du Nord." Au coeur du Matabeleland, à une cinquantaine de kilomèt