La "mixité" homo et hétérosexuelle n'existe qu'à condition d'avoir une idée bien définie de son identité. Et si cette identité n'allait pas de soi ? Si l'homosexualité mais aussi l'hétérosexualité relevaient de catégories sociales fictives ? Si les rapports de parenté devaient être repensés à l'aune de ces considérations ? Voilà le trouble qu'a introduit, dans les années 1990, tout un pan de recherches universitaires. Pour la plupart anglo-saxonnes, ces dernières se réclamaient de l'influence de Foucault, lequel avait montré comment l'homosexualité avait été construite historiquement pour être exclue de la norme. Les travaux menés par Judith Butler, Eve Kosofsky Sedgwick, Michael Warner ou David Halperin, dans un dialogue souvent contradictoire, entendaient, eux, dé-naturaliser les catégories de la sexualité. A partir du moment où l'identité sexuelle biologique (homme-femme) peut être contredite par des genres aux frontières plus floues et aussi plus changeantes dans la vie d'un même individu, comment ne pas repenser de façon plus complexe la sexualité ? C'est ainsi qu'est née la "Queer Theory" (1), réunissant tout ce qui s'écarte de la norme (sociale, sexuelle,ethnique).
A 44 ans, professeur à Berkeley, en Californie (USA), Judith Butler, philosophe de formation, est un peu la Pierre Bourdieu du champ de ces études féministes, gay et lesbiennes. Ses ouvrages sont traduits dans presque toutes les langues, du chinois à l'hébreu. Mais pas en français. Pourtant, dès 1990, son li