Spécialiste de l'Amérique latine, Yvon Le Bot est sociologue au CNRS et à l'EHESS. Il analyse l'échec historique du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel) au profit de Vicente Fox, le candidat de droite du PAN (Parti d'action nationale).
Le vote de dimanche est-il d'abord un vote-sanction?
La victoire de Fox revêt pour les Mexicains la même importance que la chute du mur de Berlin pour les Allemands. C'est contre le parti-Etat qu'ils ont voté, par-dessus tout. La gauche elle-même a dans une large mesure apporté ses voix à la droite de Vicente Fox. Le vote pour le changement est transversal, touche toutes les catégories sociales, même si le noyau dur est citadin et plutôt de classe moyenne. Le rejet est d'autant plus fort que le PRI verrouillait tout: les expressions qui venaient d'en bas (Indiens du Chiapas, mouvements sociaux) étaient étouffées, les réformes démocratiques et la lutte contre la corruption entravées. Aujourd'hui, le pays entre dans une ère de reconstruction, avec un Etat enfin dégagé de la tutelle d'un parti.
Quelles évolutions de la société la victoire de Fox va-t-elle encourager?
En premier lieu, on va assister à un approfondissement de l'inscription du Mexique dans l'Alena, le marché nord-américain. Fox a le profil idéal pour mener à bien cette tâche. Même si son parti se réclame du catholicisme, Fox est, lui-même, avant tout un ex-directeur de Coca-Cola, un libéral américanisé. Des contre-coups sont possibles si des mesures ne sont pas prises pour atténue