Kibuye envoyé spécial
Six ans après le génocide de 1994, les rues de Kibuye sont un musée à ciel ouvert des cent jours de tueries qui ont meurtri la région. Sur les hauteurs de la ville, la masse de briques de l'église Saint-Jean n'abrite plus de messe. Une stèle rappelle que 11 400 personnes ont été tuées, ici même, dès les premières semaines de massacres. En contrebas, un grand hôtel aux volets clos se délabre. Son propriétaire était l'un des maîtres d'oeuvre des assassinats. Dans le centre, le stade fut un abattoir, et les écoles ont servi d'antichambres de la mort. A chaque coin de rue, on bute sur des hommes en pyjama rose, l'uniforme des détenus de la prison de Kibuye, employés à des travaux de force. Tous anciens voisins, parents ou amis des habitants de la ville, et accusés pour la plupart d'avoir participé au génocide.
Estimations hasardeuses. Mais, au-delà de l'impression étouffante d'arpenter un Conservatoire de la mort, certains éléments font encore défaut pour écrire l'histoire exacte du génocide. Combien de victimes a-t-il fait, et qui étaient-elles? La question vaut pour l'ensemble du pays, où des estimations parfois parfaitement hasardeuses font flotter le chiffre des victimes entre 500 000 et un million de personnes. Le seul travail de quantification précise, à ce jour, a été réalisé par Ibuka (Souviens-toi), la principale association de rescapés du génocide. Il y a deux ans, au terme de plusieurs mois de travail, ses enquêteurs ont pu publier un document de m