On disait les Britanniques fâchés avec les Windsor. La famille royale, secouée par les scandales, déboulonnée par Diana, la princesse martyre, semblait ne plus faire recette. Au crépuscule de sa vie, la reine mère vient à nouveau de réconcilier ses sujets avec la monarchie. Depuis le début de l'été, le pays tout entier célèbre sa longévité séculaire avec des fêtes d'un autre siècle. Les solennités officielles qu'un journal a comparées au récent péplum américain Gladiator, le sang en moins, exaltent avec une débauche d'armures, de casques étincelants et de chevaux le dernier vestige d'un empire disparu.
«God Save the Queen Mother». Aujourd'hui, cela fait précisément cent ans qu'Elizabeth Bowes-Lyon bénéficie de la protection divine. Comme pour conjurer le sort, l'événement a été commémoré plusieurs fois avant la date fatidique. Bal au château de Windsor, action de grâces en la cathédrale Saint-Paul, défilé des troupes en grande tenue, film en préparation, sites Internet... L'hommage confine à l'idolâtrie. L'altesse préférée des Britanniques est devenue plus que jamais la matrice suprême, l'unique point de ralliement d'un royaume de moins en moins uni.
A l'approche de l'anniversaire, les quotidiens locaux ont tous sorti des suppléments de 40 ou 50 pages en papier glacé, remplis de photos couleur sépia et de récits nostalgiques. La reine mère, lit-on sous la plume de son aumônier, «a déjà un pied au paradis». Les hagiographes vantent ses cent ans de sollicitude,