C'est un film «samizdat», tourné dans une semi-clandestinité, dont les cassettes circulent dans les milieux de l'opposition. Des projections discrètes, convoquées par le bouche à oreille ou par e-mail, se tiennent à Belgrade ou surtout dans les petites villes du sud de la Serbie comme Leskovac, Krusevac, Cacak. Là même où, en juin 1999, après deux mois de bombardement de l'Otan, éclataient des révoltes contre Slobodan Milosevic.
Héros anonymes. «Nous en sommes réduits à ces expédients, car il n'y a plus de télévision indépendante, plus de programmes différents de ceux du régime», explique Goran Markovic, célèbre cinéaste yougoslave, auteur notamment de Tito et moi. A la différence de la plupart de ses amis, il a décidé de ne pas émigrer. Tout comme ces anonymes, ces «résistants de l'ombre», qui sont les héros de son documentaire coproduit avec Audiovisoconcept à Paris. Ils ne sont pas des militants et ne croient guère aux caciques d'une opposition divisée. Un jour, pourtant, ils ont dit non et témoignent face à la caméra.
Ainsi, Ivan N., technicien de télévision à Leskovac, qui, un soir de juin 1999, pirata le journal télévisé local avec une cassette enregistrée. Un appel à la révolte qu'il lisait habillé comme en dimanche, d'une voix tour à tour hésitante et enflammée: «Citoyens, si j'ai réussi à vaincre ma peur vous le pouvez aussi...» Arrêté quelques jours plus tard, il fut condamné à quatre mois de prison, après une heure de procès. A l'époque, le régime craignait de nouve