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Libération

Le trouble jeu de Moscou sur la frontière tadjiko-afghane

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Censés lutter contre le terrorisme, les Russes seraient partie prenante du trafic d'armes et de drogue.
par Marc WOLFENSBERGER, Frontière tadjiko-afghane envoyé spécial
publié le 6 septembre 2000 à 4h03
(mis à jour le 6 septembre 2000 à 4h03)

Alors que des dizaines de kilos d'héroïne se consument derrière un épais rideau de fumée noire, le lieutenant-colonel Victor Kondrachov a le sourire. Chef adjoint de la garnison russe de Moscovsky, située sur l'un des points chauds de la frontière entre le Tadjikistan et l'Afghanistan, il a même convoqué sa fille pour l'événement. Le temps d'une photo souvenir, elle pose, deux sacs d'héroïne à la main. De sa mémoire d'officier russe, il s'agit là de la deuxième plus grande saisie enregistrée à la frontière tadjik: 117 kg d'héroïne pure, dissimulée dans des sacs de «thé», selon l'inscription imprimée en ourdou. Destination finale: l'Occident, soit le plus grand marché de consommation de l'héroïne afghane. Celui aussi où l'on paie le prix fort: 5 millions de dollars (plus de 35 millions de francs) pour pareil chargement.

Autour du brasier baigné de kérosène, pas un mot ne filtre quant à l'origine des passeurs. D'autant que l'opération a tourné au carnage la nuit dernière: cinq trafiquants tués, sur douze en tout, dont les corps ont été jetés dans le Piandj, la rivière qui sépare les deux pays. Là un trafiquant mort vaut mieux que deux trafiquants arrêtés. Et pour cause: «Tout captif doit être remis aux forces tadjiks, peste le lieutenant-colonel. Autrement dit, nous perdons leur trace...»

Le contrôle, c'est bien son obsession première. La raison aussi pour laquelle la Russie continue de sacrifier des vies humaines le long d'une frontière qui n'est pourtant plus la sienne. Peu ap