Belgrade correspondance
Peu de bus, mais des bus. Peu de médecins, mais des médecins. Peu de vendeurs, mais des vendeurs. Sur un trottoir embouteillé par les piétons, deux ouvriers battent la semelle. «Comment savoir où souffle le vent?», soupire l'un. L'autre s'interroge: «Tu crois que tous ces gens sont des manifestants ou que, au contraire, ils vont au boulot à pied malgré la grève?» Ils demanderaient bien à quelqu'un. Mais s'ils tombaient sur un indicateur de police? Finalement l'un d'eux s'y risque. Timide: «C'est un défilé?» La dame murmure: «Je ne sais pas.» Elle se présente: «Je m'appelle Mira. Marchons, on verra bien où cela nous amène.» En Serbie, hier, l'opposition contre Slobodan Milosevic appelait à un blocage général du pays, mais la ligne de partage entre grévistes et non-grévistes révélait davantage le fonctionnement du système que le nombre ou même la détermination des protestataires.
Ne pas être seul. La veille, Mira a passé tout son dimanche à téléphoner à toutes ses collègues de l'école maternelle. La majorité d'entre eux était plutôt favorables à la protestation. «Mais le cas est délicat. Notre directrice est une cousine de la femme de Slobodan Milosevic», explique-t-elle. Il a finalement été convenu de se retrouver devant l'école et de décider à se moment-là, «selon ce que fait tout le monde». Et elle ajoute: «Les autres, voilà l'essentiel. Le plus grand danger est de se retrouver seule au travail ou seule dans la rue.» Les deux ouvriers acquiescent: pour