Belgrade de notre correspondante
Comment arriverait-on à penser à demain? On ne sait déjà pas ce qui peut passer dans quelques minutes. C'est une de ces soirées belgradoises, que colorent le vin et le grésillement des radios interdites. Il n'y a là que des opposants, jeunes et vieux, tous amis intimes depuis longtemps. «Alors, les jeunes, quand est-ce que vous vous décidez?» Katarina est fonctionnaire, 40 ans, un joli tailleur, le maquillage soigné des Serbes de la capitale. Jovanna sursaute. Elle rentre tout juste des manifestations d'Otpor, l'organisation étudiante qui, depuis dix jours, organise une grande partie de la contestation contre Milosevic. «Qu'est ce que tu veux dire?» Au bout de la table, Milos lève son verre. «Tuez-le.» Chacun murmure. «Il faut pourtant en finir», dit l'un. Et un autre: «Il faudra bien que quelqu'un se dévoue pour faire le coup de force.» Milos avait 35 ans quand Milosevic a pris le pouvoir. «Les années ont passé et ma santé est morte dans les rues de Belgrade à manifester pacifiquement contre lui. Je n'ai plus la force. Notre génération a échoué.»
Mots rassurants. Officiellement, à Belgrade, tout le monde est contre l'affrontement. Les mots d'ordre de l'opposition résonnent raisonnablement, appellent au blocus général de la république, à des manifestations quotidiennes ou aujourd'hui à un grand rassemblement avec toute la province qui afflue vers la capitale. «On ne veut pas un coup de feu, pas d'insurrection. C'est justement pour cela que nous